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Poor health worker attitude: Are the health workers solely to blame or do health policy decisions contribute as well to this poor attitude? By: Dr. Abdallah Ibrahim, CPH

Mauvaises attitudes des personnels de santé : sont-ils les seuls à blâmer ou faut-il également incriminer les décisions de politique de santé ? Par: Dr. Abdallah Ibrahim, CPH 

(Traduction S.Goyet)

Que vous soyez un patient dans un établissement de santé ou quelqu'un qui visitez un proche recevant des soins dans un établissement de santé publique au Ghana, vous ne pouvez pas échapper aux discussions sur les pratiques peu respectueuses des soignants. Dans leurs blogs récemment publiés sur ce site, le Dr Elizabeth Ekirapa - Kiracho et Rornald Muhumuza Kananura nous ont fait réfléchir sur le problème des mauvaises attitudes des soignants et les raisons pour lesquelles certains patients préfèrent se faire soigner ailleurs que dans des établissements publics. A mon tour d’élaborer sur ce point et de prolonger la discussion initiée par Dr Ekirapa - Kiracho sur la charge de travail des soignants, comme raison de ces mauvaises attitudes, et d’explorer certaines raisons liées aux décisions de politique de santé dans un pays comme le Ghana.
 
Afin de comprendre l'influence de la charge de travail sur la qualité du travail des soignants, je propose de réfléchir sur le rôle de certaines décisions politiques sur cette charge de travail dans les établissements publics de santé au Ghana. Il ya une dizaine d'années, la mise en place d’une politique d'assurance maladie a conduit à une augmentation significative du nombre de personnes venant se faire soigner dans les services de santé du pays, en particulier dans les services de santé maternelle et infantile. En août 2003, le Parlement du Ghana a adopté la Loi Nationale d'Assurance Maladie (NHIA) qui a autorisé la création d'un régime national d'assurance maladie (NHIS). La mise en place de cette assurance dans ce pays d'Afrique sub-saharienne a sans nul doute modifié le flux des patients dans les établissements de santé. Ceci parce que cette nouvelle politique d'assurance a permis d'améliorer l'accès aux soins de santé maternelle et infantile, en offrant par exemple des consultations prénatales gratuites, ou en donnant la possibilité aux femmes d’accoucher avec du personnel qualifié dans les établissements de santé.
 
En fait, l'amélioration de l’accès des femmes ghanéennes à des services de santé maternelle et infantile de qualité devait passer par l’amélioration de l’accès financiers aux services car le coût de ces soins étaient un obstacle jusqu’à l’introduction de la NHIS. Auparavant, le Ghana avait un système de recouvrement des frais de santé (également connu sous le nom de Cash & Carry) mis en place dans les années 1980 et 1990. Le système de Cash and Carry a malheureusement créé des obstacles financiers à l'accès aux soins pour ceux qui en avait le plus besoin. Ce système a eu un énorme impact sur la façon dont les gens avaient recours aux soins de santé. De nombreuses études ont montré que, au Ghana et ailleurs, la fréquentation des établissements publics de soins a chuté immédiatement après l'introduction de ce système de recouvrement des coûts. Il s’est traduit par la chute de nombreux indicateurs de santé tels que la mortalité maternelle, infantile, ou celle des enfants de moins de cinq ans. C’est pour inverser cette tendance et pour d’autres raisons, que le gouvernement du Ghana a adopté la NHIA et autorisé la création de la NHIS. La NIHS prévoyait en effet des exemptions de paiement pour les femmes enceintes afin de leur permettre d’avoir accès aux services de soins prénatals et à des soins qualifiés pour les accouchements dans les établissements de santé.
 
Les exemptions ont provoqué l’augmentation spectaculaire de la fréquentation des services de soins ambulatoires notamment pour les femmes qui avaient besoin de services de santé maternelle et infantile. Cette augmentation de l'utilisation des établissements de santé a été observée à  tous les niveaux du système de santé, au niveau des districts comme au niveau régional ou dans les établissements tertiaires. La mise en œuvre de la politique d'exemption a également affecté le recours aux accoucheuses traditionnelles et le nombre d’accouchements à la maison, qui ont diminué, alors que les accouchements en maternité augmentaient.
  
Certaines études ont d’ailleurs montré qu’entre 2008 et 2011, la demande pour les services de soins prénatals est passée d'environ 40 % à plus de 90 % tandis que les services de soins postnatals ont presque doublé, passant d'environ 34 % à environ 65 %. Ces augmentations de la demande pour les services de soins de santé ont un réel impact. Ces augmentations du recours aux services sont des indicateurs de base de la charge de travail supplémentaire qui a été soudainement ajoutée à la charge de travail initiale des soignants exerçant dans les établissements publics. Les soignants qui savaient gérer leur charge de travail habituelle ont dû soudainement faire face à l’afflux de nouveaux patients grâce la mise en œuvre de la NHIS au Ghana. 
 
Dans certaines régions du Ghana, il y avait déjà une sévère pénurie de professionnels de santé avant la mise en œuvre nationale de la NHIS. Par exemple, dans un rapport sur la santé des populations dans la région Nord, datant de 2005, il est noté que sur les 595 infirmières et autre personnel normalement nécessaires pour gérer des centres de santé dans tous les districts de la région, seuls 380 postes étaient affectés. Sur ces districts, il manquait déjà donc 215 infirmières et autres soignants. Ce qui a aggravé ce problème, c’est que certains soignants refusaient d’être affectés dans des établissements situés en zones rurales. A cause de ce phénomène, les soignants volontaires pour travailler dans ces zones se retrouvaient à ployer sous une charge de travail de plus en plus lourde. Quelle que soit sa formation ou ses  qualités, n’importe quel soignant peut finir par négliger son éthique de travail lorsque sa charge de travail augmente de façon constante. Ce sont dans ces conditions qu’apparaissent les ‘burn-out’ et que ce certains soignants finissent par demander à quitter leur poste de travail, ou pire, finissent par projeter leurs frustrations personnelles sur les patients ou leurs familles, même involontairement.
 
Afin de soulager un peu les soignants, et en espérant que cela améliorera leurs attitudes, il est souhaitable de mieux répartir la charge de travail entre secteur public et secteur privé, dans des pays comme le Ghana. Il est nécessaire de repenser la formation et le soutien des soignants pour qu’ils acceptent de travailler dans des établissements de santé ruraux. Par exemple, le gouvernement et les décideurs de santé pourraient financer les formations des personnels nouvellement recrutés ou pas, qui accepteraient de travailler dans des zones où les soignants qualifiés manquent. De telles actions permettraient le renforcement des ressources humaines du secteur de la santé. De telles mesures de gestion de la charge de travail devraient être introduites en parallèle à l’introduction de l’assurance maladie (ou même avant) lorsqu’il y a exemption de frais pour l’accès aux services de santé maternelle et infantile. Ces mesures pourraient avoir un effet bénéfique sur la charge de travail et la santé des travailleurs (dont beaucoup sont en ‘burn-out’), en particulier dans les zones reculées. Ces mesures pourraient également changer positivement l'attitude des soignants envers les patients. Si l'afflux de nouveaux patients vers les établissements de santé vient en même temps qu’une augmentation des ressources humaines qualifiées affectées à ces établissements, les soignants absorberont la charge de travail supplémentaire imposée par les décisions de politique de santé car cette charge de travail sera partagée.
 
L'auteur est chargé de cours à l'Université du Ghana, Ecole de santé Publique, et d'un Post- Doc sur le projet « Accélérate  Project » au Ghana . Il est également le contact au Ghana du réseau \ KTNET-Afrique.
 
 
    
 

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